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Denis Gingras Artiste - Peintre Poète Explorateur Ingénieur Professeur Musicien Le plaisir d’écrire  ... Père Écrivain
« Pour vivre intensément et donner un sens riche à notre vie, il faut des engagements qui compromettent et non pas des compromis qui dispensent de s’engager... »

Sur cette page, je décris quelques-unes de mes opinions et idées personnelles concernant des sujets d’actualité.

Je prends le risque de les soumettre à la critique du public, i.e. vous chers visiteurs. Ces textes n’engagent que

moi et ont été rédigés à titre personnel. Ils n’engagent aucunement mon employeur ou d’autres personnes.

J’espère que ces idées vous inciteront à la réflexion et au dialogue. Je vous prie de vous sentir libre de réagir

et de vous exprimer à votre tour. C’est avec grand plaisir que je recevrai vos commentaires que vous pouvez me

laisser à la section “Me contacter”. Bien sûr, cette page sera dynamique, car mes idées peuvent évoluer avec le

temps sur différents sujets. Selon le dicton, il n’y a que les sots qui ne changent jamais d’idée...

Bonne réflexion!

Une opinion masculine sur la charte des valeurs québécoises

J’ai suivi avec grand intérêt le débat qui entoure la proposition d’une charte de laïcité de la fonction publique

au Québec. Or je suis surpris de constater que très peu d’hommes se sont exprimés sur la question. Comme si

cette charte ne visait que les femmes au Québec. Bien sûr, le cas le plus visible véhiculé dans les médias

concerne le port du voile par des femmes musulmanes et du coup a amené le débat principalement sur le

principe d’égalité entre les hommes et les femmes, ce qui est important en soi j’en conviens. Mais la

proposition de la charte peut et doit être analysée d’un point de vue plus global. Aussi, j’aimerais ici donner

mon humble point de vue.

D’entrée de jeu je considère ce débat comme un grand exercice démocratique. Je salue tous les citoyennes et

citoyens du Québec qui se sont exprimés publiquement sur la question et je les félicite pour la qualité et la

diversité des avis exprimés. Je félicite également le gouvernement actuel pour son courage d’avoir agi dans ce

dossier explosif d’un point de vue politique et de vouloir munir enfin l’appareil gouvernemental de balises

reflétant les valeurs fondamentales de notre identité collective. Car il s’agit bien d’un débat élargi sur notre

identité et sur le Québec de demain que nous désirons léguer à nos enfants. Mais le débat actuel a pris une

ampleur qui va bien au-delà de la proposition actuelle d’une charte visant à affirmer notre laïcité dans la

fonction publique et à mon avis, il subsiste encore beaucoup de confusion au sein de la population. Par

exemple, toutes les discussions mettant en opposition l’oppression des femmes symbolisée par le port d’un

voile et l’exploitation de la femme dans notre monde occidental par le marché du sexe ou les concours de

beauté sont en soi intéressantes, mais elles s’éloignent considérablement des enjeux réels de la charte des

valeurs proposée par le gouvernement.

En effet, il faut considérer deux cas distincts. Le premier cas concerne la vie personnelle des Québécois. Dans

ce cas, la charte ne veut en aucune manière restreindre ou diminuer les droits et la liberté des individus. Les

Québécois en tant que citoyens d’une démocratie moderne ont le devoir de tolérance et de respect des opinions

d’autrui. Il nous importe peu de savoir au Québec que notre voisin est de telle ou telle confession, de quelle

origine il provient et comment il mène sa vie personnelle, dans la mesure où il respecte le droit d’autrui et les

lois de notre société. Chacun peut donc vivre sa vie personnelle comme il l’entend. En même temps, le citoyen

d’une société démocratique saine est conscient de ses droits, mais aussi de ses devoirs envers la collectivité.

Par exemple, il nous est interdit de diffamer, de promouvoir des propos haineux, d’afficher des comportements

racistes ou de harcèlement, etc.  La liste est longue. Donc nous sommes (ou devrions l’être) tous conscients que

notre liberté individuelle comporte des limites et que nos droits de citoyens nous obligent à accepter en tant

qu’individu des balises pour le bien-être et la dignité de tout un chacun.

Le deuxième cas concerne les employés de la fonction publique et leur comportement dans l’exécution de leur

travail au sein de l’appareil gouvernemental. La proposition de charte touche essentiellement et exclusivement

cette situation. En quoi est-elle particulière? Elle l’est pour plusieurs raisons. D’abord, l’état se doit de refléter

et de défendre les valeurs identitaires de notre collectivité. Sans risquer de me tromper, je suppose que la

grande majorité des Québécois sont en faveur de la démocratie, de la laïcité de notre état ou bien de valeurs

fondamentales comme le droit de parole, l’égalité entre les hommes et les femmes, la protection de nos jeunes

et de nos aînés, le droit à l’éducation ou le droit à des services de santé, etc.  De ce fait, le débat actuel porte

davantage sur la manière d’exprimer cette laïcité au sein de la fonction publique que sur le fond. Pourtant, il

existe déjà des mesures et des lois qui affirment d’une certaine manière cette neutralité confessionnelle. Par

exemple, il est interdit au gouvernement de demander la confession d’un citoyen dans des formulaires

nominatifs, ou bien à un employeur de demander ou d’utiliser une information sur la confession d’un individu

dans un processus de recrutement ou dans les relations de travail avec ses employés, etc. Pour moi, la

proposition d’une charte des valeurs n’est qu’une brique de plus visant à construite un État laïque et neutre

afin de respecter la confession individuelle et les valeurs de chacun. 

Il est surprenant de constater que personne ne semble se soucier du fait que les employés de l’état (exception

faite des élus bien évidememnt) ne peuvent afficher leur affiliation politique dans l’exercice de leur fonction.

Cela nous semble naturel à tous. En tant que contribuable, il est normal que je reçoive les services de l’état

auquel j’ai droit sans avoir à subir en même temps une publicité politique partisane que m’imposerait de façon

insinue un employé de la fonction publique. Un employé de la SAAQ, un médecin ou un enseignant n’a pas à

profiter des infrastructures gouvernementales et de son poste au sein de l’état pour faire de la propagande

politique auprès de ses clients.

Or je considère que c’est la même chose en ce qui concerne la confession religieuse. Un individu qui représente

notre gouvernement, qui est employé par l’état et qui est payé par nos taxes, a le devoir d’afficher une stricte

neutralité confessionnelle dans le respect de la confession individuelle des clients qu’il dessert. Si les

convictions religieuses d’une personne sont plus importantes à ses yeux que la laïcité de la fonction publique,

elle peut alors décider sans difficulté de travailler dans le secteur privé ou d’aller vivre dans un pays

théocratique correspondant à sa confession religieuse. C’est un choix personnel que chaque individu qui accepte

un poste de l’état québécois devrait assumer. Ce qui est plus grave et plus triste cependant, c’est que tout

employé de la fonction publique qui refuserait de se soumettre à cette neutralité dans l’exercice de ses

fonctions au sein du gouvernement nous affirme du même coup qu’il refuse d’adhérer à nos valeurs

fondamentales collectives de démocratie et de la laïcité de l’État. Aussi, en tant que citoyen et contribuable, je

désire être servi par un fonctionnaire qui ne m’affiche pas ses vues confessionnelles ou politiques. Je n’ai pas

du tout envie de savoir de quelle confession religieuse il provient ou dans quel parti politique il milite. Ce qui

m’intéresse, c’est qu’il fasse son travail avec compétence, professionnalisme et courtoisie.

Je suis donc pour la charte proposée par le gouvernement. Est-ce que le projet de loi sera parfait dans sa

première version? Certainement pas. Est-ce que le gouvernement aurait pu aborder le dossier différemment afin

d’éviter certains dérapages? Sans doute. Est-ce que ce projet de loi, à l’instar de la loi 101, sera contesté par

certains individus qui se sentent lésés, ou par des organismes, voire différents paliers de notre système

judiciaires? Probablement. Est-ce que ce projet de loi a contribué à une polarisation partisane des Québécois

(Libéraux contre, PQ pour). Hélas oui. Est-ce que le gouvernement devrait afficher plus de cohérence vers une

politique globale de la laïcité de l’État? Assurément, en commençant par déposer le crucifix de l’Assemblée

nationale dans un musée et en cessant de financer avec des fonds publics des écoles ou des hôpitaux

confessionnels. Mais toutes ces raisons ne sont pas suffisantes pour justifier l’inaction et pour diminuer la

valeur intrinsèque d’un tel projet de charte. Je considère que c’est un devoir de notre gouvernement de

s’assurer que tous les services offerts à sa population affichent une stricte neutralité politique ET 

confessionnelle.

Finalement, l’adoption d’une telle charte aura selon moi un effet positif également sur la protection de notre

identité et de nos valeurs collectives afin d’éviter le marasme du multiculturalisme et la ghettoïsation. Le

respect des droits et libertés individuelles n’implique pas une absence d’affirmation de nos valeurs et de notre

identité collectives. Les balises contenues dans le projet de charte permettront à ceux qui désirent immigrer au

Québec de mieux connaître les valeurs collectives du peuple québécois et ainsi de prendre une décision mieux

éclairée avant de venir vivre ici, car changer de pays et changer de vie constitue l’une des décisions les plus

importantes dans la vie d’un individu ou d’une famille. Décider d’immigrer implique d’accepter les valeurs et

les coutumes de la collectivité du pays d’adoption tout en désirant contribuer à son développement culturel,

spirituel et économique.

« Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »  Albert Einstein

La démocratie

Voilà un sujet qui m’intéresse énormément. Inspiré dans une certaine mesure par l’ouvrage devenu classique de

Tocqueville (1), je crois fermement à l’implication du public dans les affaires de l’État et dans le

développement de notre société. Tout citoyen doit aspirer à développer ses responsabilités, à user de son droit

de parole et de son sens critique afin d’exprimer ses opinions et à défendre ses idées dans le respect des autres

pour le mieux-être de la collectivité. Malheureusement, nous vivons dans une société où nos structures

politiques et décisionnelles sont loin de constituer une démocratie idéale. D’une part, les citoyens ne peuvent

exercer leur droit d’expression qu’une fois tous les quatre ans sous forme d’un simple bulletin de vote. De plus,

en tant que citoyens, nous sommes pratiquement obligés de voter “pour un parti” et accepter en bloc

l’ensemble d’un programme politique. Le gouvernement élu est formé d’un parti “majoritaire” selon certaines

règles et de l’autre côté, on retrouve l’opposition. Les projets de loi sont habituellement proposés par le

gouvernement et critiqués par l’opposition. Ces deux groupes sont statiques et ne changent pas durant 4 ans.

Le parti élu au pouvoir devient à la fois responsable du législatif comme de l’exécutif. Au Canada et au Québec,

le système électoral est basé sur un tour unique (on ne vote qu’une fois), malgré la présence de partis

politiques de plus en plus nombreux. Ce qui entraîne fatalement que la plupart de temps, on se retrouve avec

un parti au pouvoir qui a obtenu moins que 50% des votes de la population. Récemment, les dernières élections

fédérales au Canada ont clairement démontré à quel point le système est devenu antidémocratique. En effet, il

est maintenant possible d’élire à la Chambre des communes un gouvernement majoritaire sans le Québec, la 2e

province en importance de la confédération. C’est une simple question de chiffres, et le raz de marée anti-

conservateur au Québec lors des élections fédérales de 2010 l’a clairement démontré, puisque le parti

conservateur a quand même formé un gouvernement majoritaire avec environ seulement 30% des voix

exprimées. Je trouve cela ahurissant que la population ferme les yeux et que personne ne semble s’interroger

sur les failles de ce système. Je ne suis pas expert en droit constitutionnel et je suis sans doute utopique, mais

j’aimerais proposer ici un système entièrement différent qui selon moi nous offrirait une véritable démocratie.

En voici grossièrement les grandes lignes:

1) Séparation de l’exécutif et du législatif: les ministres gèrent des ministères et s’assurent que les lois et

programmes votés soient appliqués dans leur sphère de compétence. À ce titre, je considère que les ministres

ne doivent pas être élus, mais bien sélectionnés et embauchés selon leurs compétences, sélectionnés d’abord

par un comité de citoyens experts choisis au hasard (tirage au sort) afin d’éviter le favoritisme et nommer

ensuite par les membres de l’Assemblée nationale, guidée par les recommandations des comités experts

respectifs.

2) Mise en candidatures des représentants à l’Assemblée nationale (législatif): Abolition des partis politiques.

Tout citoyen peut soumettre sa candidature pour représenter son comté à l’Assemblée nationale. Un comité de

citoyens, choisi au hasard dans le conté, effectue une présélection pour valider les candidatures en termes de

compétences minimales requises et limiter le nombre de candidatures. Les candidatures sont ensuite validées

par le Bureau du directeur général des élections. Chaque citoyen obtient une tribune publique (soirées

municipales, sous-sols d’église, etc.) pour faire sa campagne individuelle.

3) Élection à tours multiples: les élections dans chaque comté impliquent plusieurs tours jusqu’à ce qu’un

candidat obtienne plus de 50% des voix. Après chaque tour, les candidatures ayant reçu le plus petit nombre de

votes sont éliminées. Par exemple, on pourrait conserver seulement 3 candidats au 2e tour et 2 candidats au 3e

tour.

4) Participation des citoyens au législatif par des référendums: Un peu à l’instar de la Suisse, profiter des

élections pour soumettre à la population une série de questions référendaires portant sur divers projets de loi

en litige ou qui ne font pas consensus à l’Assemblée nationale.

5) Fonctionnement de l’Assemblée nationale sans partis politiques: L’Assemblée nationale aura deux rôles

essentiellement: 1) l’élaboration de lois et de programmes gouvernementaux et 2) la nomination et la

supervision de l’exécutif (les ministères) qui doivent faire rapport à l’Assemblée. Puisqu’il n’y a plus de parti,

chaque projet de loi est soumis par un citoyen membre de l’Assemblée. Pour chaque projet proposé, un

processus d’évaluation du projet est effectué par un comité qui soumet ses recommandations à l’Assemblée.

Sans allégeance politique envers un parti, chaque membre de l’Assemblée peut voter librement selon la qualité

du projet et selon ses valeurs et sa conscience. L’Opposition à un projet de loi particulier sera donc forcément

différente d’un projet soumis à l’autre et sera dynamique. Il en est de même pour le “gouvernement”, i.e. la

partie des membres de l’Assemblée qui sont en faveur du projet. Cette façon de faire permet de s’assurer que

chaque projet de loi soit voté véritablement dans l’intérêt de la population et non pas dans l’intérêt d’un parti

politique. On pourrait établir un barème, par exemple 65% des membres de l’Assemblée doivent se prononcer

en faveur pour qu’une loi soit acceptée. Sinon, une loi qui divise les membres entre 50 % et 65% pourrait être

soumise à un référendum populaire, par exemple, lors des prochaines élections des membres de l’Assemblée ou

d’élections municipales.

Ce système grossièrement décrit ici me semble plus démocratique, car il permet une plus grande participation

du citoyen aux affaires de l’État. De plus, les citoyens peuvent voter pour un représentant à l’Assemblée

nationale en fonction de ses compétences et de sa personnalité, et non pas en fonction d’une allégeance à un

parti politique, comme ce fut le cas au Québec avec le NPD lors des élections fédérales de 2010.  Par ailleurs, le

système assure que chaque membre élu à l’Assemblée a obtenu une majorité du suffrage (plus de 50% des voix).

De par une constitution réformée, chaque citoyen serait tenu de fournir son ou ses domaines d’expertise au

Bureau du directeur général des élections et de participer aux comités lorsque convoqué. Les comités de

citoyens experts sont alors formés avec des personnes choisies au hasard par ce même Bureau. De plus ce

système est dynamique, car l’Opposition varie en fonction des projets de loi proposés, et permet à l’Assemblée

nationale une plus grande souplesse et une plus grande efficacité dans son travail. Bien sûr, on me répondra

qu’un tel système est plus coûteux (élections à tours multiples, référendums, etc.), mais je crois que la

démocratie et la société y gagneraient largement au change. Ce système serait un investissement qui

permettrait également de réduire les chances de corruption et de collusion systématique et organisée. Par

exemple, le Bureau du vérificateur général pourrait également avoir le mandat de vérifier les antécédents des

membres élus à l’Assemblée et de s’assurer de leur intégrité face aux attaques des lobbyistes, qui existeront

toujours.

La religion

Voilà un sujet très délicat. D’entrée de jeu, je peux dire que je respecte le droit de chacun à pratiquer sa

religion (ou absence de religion) dans sa vie personnelle, mais en même temps je préconise la laïcité dans les

affaires publiques et la séparation de l’état et de la religion. Je suis contre toute forme de théocratie, qui va à

l’encontre de la démocratie et des droits et libertés individuelles. Je suis né dans une région du monde (le

Québec) où la religion catholique était jusqu’à récemment (1960) prédominante. Pendant plusieurs siècles, la

religion et la politique étaient entremêlées en Europe comme en Amérique. L’état et la religion exerçaient

mutuellement et conjointement leur influence. Église et royauté... Même ici il n’y a pas si longtemps, avant

notre “révolution tranquille”, les archevêques et les ministres se côtoyèrent et décidèrent ensemble du sort des

gens. Pendant des millénaires, tout au long de l’histoire de l’humanité, des populations entières ont été

dominées, manipulées et massacrées au nom de diverses religions. Par soif de pouvoir, les gens qui représentent

ces religions ont toujours désiré se trouver proche ou à l’intérieur du pouvoir politique. Et hélas, c’est loin

d’être terminé. Les théocraties foisonnent toujours dans le monde.

Dans le Québec d’autrefois, comme d’ailleurs dans le reste des Amériques, il fallait développer les colonies.

Suivant une politique d’expansion de la chrétienté, les colons venus d’Europe, même s’ils crevaient de faim,

étaient poussés par l’Église à fonder de grosses familles avec de nombreux enfants afin de peupler ces colonies

et ainsi annihiler le développement de la culture “païenne”. La vie des gens à l’époque a toujours été régulée

strictement par l’Église : les médias, l’éducation des enfants, le travail, la culture, l’économie, la vie sexuelle,

les relations hommes et femmes, etc. Les gens devaient se rendre à l’Église chaque matin, la prière tous les

jours, avant les repas, le jeûne du carême, les fêtes religieuses, tout ça. Bref, la religion régissait en grande

partie la vie des gens. Au début des années 1960 au Québec, il y a eu une sorte de révolution pacifique qui a

abouti à une grande séparation de l’État et de l’Église et à un déclin important de la pratique religieuse dans la

population. Ce fut la Révolution tranquille. En l’espace de 10 ans, le nombre de pratiquants au Québec est

passé de 95% en 1957 à environ 5% en 1967. Du coup, les églises sont vides aujourd’hui. Ce fut un peu notre

révolution française, mais sans la violence et les bains de sang. Donc, je suis né dans ce contexte.  Mes parents,

qui étaient de l’ancienne génération, étaient forcément très religieux (et le sont encore). Puisque j’ai grandi

dans de nombreuses écoles laïques,  mes opinions finirent par diverger d’avec les croyances de mes parents. En

ce qui me concerne, je n’ai plus depuis mon enfance pratiqué aucune religion. Je tente de conserver une grande

liberté de penser et mon droit de critiquer toute doctrine qui se présente à moi.  Le prix à payer pour cette

liberté, c’est d’une part une sorte de solitude, puisque je n’adhère pas à un “groupe” et d’autre part

l’acceptation de l’ignorance, c’est-à-dire être condamné au questionnement, au doute et et la réflexion

perpétuelle.

Bien sûr, comme tout le monde, je me pose les mêmes questions fondamentales sur la vie, sur la mort, sur notre

univers, etc. Mais j’essaie de ne pas me construire de réponses toutes faites a priori. Je préfère la philosophie

aux religions, car à mon sens la philosophie se rapproche de la méthode scientifique, de par son sens critique

sur les réponses possibles et de par le fait qu’elle propose différents modèles de pensée. La méthode

scientifique est une approche rationnelle qui nous permet d’acquérir et de valider de nouvelles connaissances

pour satisfaire notre quête humaine de la vérité sur le monde qui nous entoure et sur nous-mêmes. Or quelqu’un

qui croît détenir la vérité absolue ne la cherche plus et partant, cesse de développer un esprit critique et limite

sa quête de nouvelles connaissances à un cadre compatible avec sa vérité absolue. On s’en remet à un dieu et à

une doctrine pour tout expliquer ce qui nous échappe. Bien sûr la méthode scientifique et la philosophie

n’expliquent pas tout loin de là. Mais à mon avis, c’est la seule méthode valable et rigoureuse dans la quête de

nouvelles connaissances sur le monde qui nous entoure et sur l’humain.

Il est clair que la religion répond à un besoin fondamental de l’être humain, c’est une construction qui permet

de faire face à la terreur de l’inconnu, faire face aux dangers et aux épreuves de la vie, de la mort, de ce qui

leur est impossible d’expliquer. L’Homme déteste vivre sans réponse. Si on regarde dans le monde et son

histoire les pays où la religion est ou fut très dominante, i.e. là où la majorité des gens pratiquent massivement

une religion unique, peu importe laquelle, on peut se demander quels sont les facteurs importants qui

caractérisent ces régions : Pauvreté ? Absence de démocratie ? Impuissance de la population pour améliorer leur

sort ? Absence d’avenir pour les jeunes ? Absence d’éducation? Il est clair que la crédulité des gens est plus

facile à exploiter dans le désarroi et l’ignorance. Mais attention, à mon humble avis, il ne faut pas confondre

spiritualité qui est une réflexion introspective personnelle et la religion qui est une doctrine collective

organisée, hiérarchisée et codée. Je crois qu’il s’agit de deux choses différentes.

La  religion permet ainsi à différents gouvernements de mieux « contrôler » les populations, dans le sens

d’inculquer un code de conduite qui évite l’anarchie. L’Homme d’aujourd’hui étant ce qu’il est, sans règles ni

loi, on se retrouve avec une société anarchique, comme décrit dans la philosophie de Nietzche par exemple.

Selon moi, il y a deux principales façons d’inculquer un code de conduite collectif: par des lois émanant d’un

gouvernement ou par des règles dictées par une religion auprès d’une population croyante.

Ainsi, la plupart des religions ont un code de valeurs qui, par exemple, nous interdit de tuer son prochain ou

nous oblige à demeurer fidèle à son mari, ou bien nous exige d’être responsables dans l’éducation de ses

enfants. Certaines religions vont même dans les détails de la vie quotidienne, par exemple, interdire certaines

boissons comme l’alcool ou certains aliments comme le porc, manger du poisson le vendredi, faire des prières à

certaines heures du jour ou de la nuit, etc. Pour moi tout ça n’a rien à voir avec Dieu, s’il existe. En fait, si

l’alcool est interdit, c’est davantage pour s’assurer que les gens se comportent toujours de façon civilisée et

non pour des raisons théologiques. Donc, on peut très bien enseigner des valeurs et des codes de conduites

sociales sans considérations théologiques et sans crainte de la perte du paradis ou la crainte d’un Dieu tout

puissant qui nous punirait. L’interdiction religieuse est selon moi une solution facile à implanter pour éviter

l’anarchie, mais ça n’incite pas les gens à se responsabiliser et à devenir civilisés de façon autonome et par

eux-mêmes. Adopter une religion est à mes yeux en tant qu’individu une forme d’abdication de sa liberté de

penser et de sons sens critique. Car penser est dangereux. Et pour beaucoup, ce danger fait peur. Ma vision va à

cet égard dans le sens de celle d’Erich Fromm (2).

De plus, une religion étatique ou un régime théocratique constituent à mon avis un cul-de-sac du point de vue de

l’évolution d’une société. Puisqu’une religion détient la vérité absolue, elle ne peut pas être critiquée, donc pas

besoin de réfléchir, pas besoin de changer ou de faire évoluer les choses, pas besoin d’opposition au sein du

gouvernement. On n’a qu’à appliquer les lois divines et il faut les suivre sans questionner, sous peine d’une

damnation éternelle. C’est comme ça, et pas autrement....

Si nous vivions dans un monde parfait (utopie), nous n’aurions pas besoin d’un gouvernement au sens législatif

ou de religions au sens moral (voir l’ouvrage de Tocqueville) pour nous assurer de la bonne conduite des gens.

Car les gens seraient idéalement tous responsables. Personne ne conduirait sa voiture en état d’ébriété.

Personne ne volerait ce qui ne lui appartient pas ou personne ne tuerait quelqu’un. Il n’y aurait pas de crime. Il

n’y aurait pas de guerres. Tous les parents seraient responsables de leurs enfants et de leur éducation pour en

faire des adultes responsables, libres penseurs critiques et autonomes. Hélas, nous sommes loin de vivre dans

un tel monde. Dans quelques millénaires, peut-être aurons-nous, dans un monde encore utopique, la sagesse

pour le faire, si nous ne nous détruisons pas avant.

À savoir si Dieu existe, je ne sais pas. Je suis sans doute athée, car je crois que l’homme a construit Dieu à son

image. Depuis le début de l’histoire de l’Homme, la religion existe sous différentes formes. Même à l’époque

néolithique il y a plus de 40, 000 ans, non seulement l’Homo Sapiens de l’époque, mais aussi le Neandertal 

avaient des rites religieux. Par exemple ils enterraient leurs morts. Aujourd’hui, la plupart des religions sont

monothéistes. Cela n’a pas toujours été le cas, comme dans l’antiquité en particulier. Les dieux égyptiens ont

été adorés beaucoup plus longtemps que n’importe lequel de nos dieux contemporains, pendant plus de 3000

ans. Cela ne les a pas empêchés de disparaître aux yeux des hommes d’aujourd’hui. Autres temps, autres

mœurs, autres religions.

Malheureusement, aujourd’hui comme avant, il y a encore trop de gens qui désirent tuer et détruire au nom de

Dieu, qui préconisent la guerre contre des  « infidèles » ou qui aliènent les gens au nom d’une vérité absolue

qu’ils sont les seuls à détenir. Il existe encore des religions qui interdisent une personne de se marier avec une

autre personne provenant d’une autre religion, des religions qui préconisent l’inégalité entre les sexes, entre

les races ou entre les gens de religions différentes. Si on regarde l’histoire de l’Humanité, les civilisations qui

se sont succédé au fil des millénaires sont toutes marquées par un nombre incalculable de guerres , de

massacres et d’abominations faites au nom de dieux différents. À l’instar de la vision de James Burnham (3), un

des seuls moteurs véritables dans la fabrique de l’Histoire semble être la lutte du pouvoir. La plupart des

changements historiques importants se sont résumés au remplacement d’une classe dirigeante par une autre.

Très souvent, ces classes dirigeantes ont pris la forme d’institutions religieuses. L’humanité est-elle condamnée

à ce cyle infernal ? Il semble que nous soyons incapables de n’en tirer aucune leçon. Dans ce contexte, je ne

peux pas m’associer à aucun systèmes religieux, quel qu’il soit. Nous nous sommes battus trop longtemps

collectivement pour gagner et défendre chèrement notre liberté de penser et notre sens critique, garant du

progrès d’une société et du respect d’autrui.

(1) Alexis de Tocqueville, “De la démocratie en Amérique”, Flammarion. (2) Erich Fromm, “La peur de la liberté”, Buchet/Chastel, Paris, 1963 Cliquez ici pour lire quelques extraits (3) James Burnham, The Manegerial Revolution, 1940.