Linguistic skills
© Tout Droit Réservé, Copyright Denis Gingras 2016
Denis Gingras

Préambule

J’ai compris au fil des ans que l’apprentissage d’une langue est avant tout affaire de

mimétisme. Imiter les gens dans leurs dialogues, que ce soit du point de vue de l’accent, des

expressions orales, de l’intonation voire même de la gestuelle, facilite la communication et

l’interaction avec les gens d’autres cultures. Sans négliger l’étude de la grammaire et du

vocabulaire, j’ai aussi appris que la maîtrise d’une langue se fait dans le milieu où elle se parle

et non pas chez soi. Mes nombreux séjours à l’étranger m’ont donné cette chance inouïe

d’étudier et de pratiquer au quotidien plusieurs langues devenues par le fait même vivantes.

Pratiquer une langue dans son milieu d’origine m’a permis d’apprécier toute sa richesse

culturelle et sa vivacité.  Une des grandes satisfactions d’apprendre des langues étrangères est

la découverte d’autres univers culturels.  Chaque nouvelle langue apporte son lot de richesses

culturelles, d’histoire et de facettes de vie. Par ailleurs, si l’on maîtrise suffisamment bien la

langue, on arrive même à penser, à raisonner, voire à rêver, dans cette langue. Aussi j’ai

remarqué que notre cerveau ne semble pas raisonner de la même manière dans une langue

étrangère et un milieu différent. Sans doute (ici j’avance une hypothèse), la configuration des

synapses des réseaux de neurones impliqués dans les capacités linguistiques du cerveau n’est

pas les mêmes d’une langue à l’autre. Il faudrait creuser la question...

 

Français

Il s’agit de ma langue maternelle et j’en suis fier. La langue des poètes et du romantisme. La

langue de Molière, de Montesquieux, de Rabelais, de Baudelaire, de Voltaire, de Balzac, de

Proust, de la Fontaine, de Victor Hugo, de Marguerite Yourcenar, de Félix Leclerc et

d’innombrables autres encore.  C’est la langue que je maîtrise le mieux, forcément, et celle que je

préfère pour m’exprimer dans la poésie et les arts. Lorsque j’étais tout jeune, et durant la

maladie de ma mère, j’ai fait un séjour prolongé au pensionnat de Saint-Louis-de-Gonzague

dans le vieux Québec. Ce passage obligé chez les bonnes soeurs m’a permis de maîtriser mon

français mieux qu’ailleurs. À raison de trois à cinq dictées par jour, cet entraînement “intensif”

laisse des traces permanentes chez l’élève. Mes trois années de latin à la fin du secondaire

m’ont également aidé à maîtriser les subtilités de notre vieille langue, pas seulement

du point de vue étymologique.

Anglais

Dommage que la langue anglaise, qui est si belle lorsqu’on s’y attarde, soit devenue la langue

banalisée de l’argent, du commerce et de la mondialisation. C’est sans doute la langue la plus

“mal parlée” du monde. Sa grammaire, de prime abord simpliste (pas d’accent, très peu

d’exceptions, conjugaisons faciles, pas de genre, etc.) se veut à la portée de tout le monde. Aussi,

à peu près n’importe qui ayant appris quelques mots d’anglais et écouter quelques films

hollywoodiens se déclare bilingue. Je n’ai pas échappé à cette tendance étant jeune.

Heureusement, une bourse à la fin du collégial me permit d’aller étudier le génie à l’University

of British Columbia de Vancouver. Ce séjour prolongé me permit d’approfondir mon anglais et

d’y trouver de nombreux avantages, pas seulement pécuniaires et économiques (lorsque je

travaillais à l’Université d’Alberta par exemple). L’anglais, étant la langue seconde définie de

facto partout dans le monde, elle permet aujourd’hui une facilité de communiquer à l’échelle

planétaire, qui est inégalée dans histoire de l’humanité (on peut établir un parallèle avec le

latin de l’Empire romain). Cette langue facilite donc l’exploration (et hélas l’exploitation) de la

planète. D’un point de vue scientifique, elle est également omniprésente. Alors qu’il y a à peine

un siècle, on publiait les articles scientifiques régulièrement en français, en allemand ou en

russe, aujourd’hui, l’anglais est obligatoire pour tous. Ceci a l’avantage de faciliter les

échanges scientifiques et d’accélérer le transfert des connaissances et les progrès qui

s’ensuivent, mais cette uniformisation de l’écriture entraîne parfois une uniformisation de la

pensée scientifique au sein de la communauté, ce qui appauvrit la diversité des idées.

Finalement, c’est en maîtrisant très bien les deux “langues officielles” du Canada que j’ai

vraiment compris qui j’étais en tant que citoyen du Québec et combien nous, les Québécois,

étaient si différents du ROC (Rest of Canada).  Pour mieux se connaître, il faut apprendre à

se situer par rapport aux autres et à relativiser ses différences, ce qui nécessite la

connaissance des autres cultures et a fortiori des autres langues.

Espagnol

Lorsque j’étais au secondaire, j’ai eu la chance de faire deux ans d’espagnol avec un professeur

originaire d’Espagne (castillan et fier de l’être!), José Montabes (voir la caricature, section

jeunesse). J’ai eu beaucoup de plaisir à étudier cette langue et à découvrir la culture castillane

avec lui. Mais c’est seulement quelques années plus tard, lors de mon premier périple en Europe,

que j’ai pu enfin pratiquer cette langue sur la péninsule ibérique. À voyager sur le pouce là-bas

pendant des semaines, j’ai fini par m’y faire des amis et je me devais de discuter avec eux dans

la langue de Cervantez. J’ai pu également pratiquer mon espagnol lors des mes voyages dans les

Caraïbes, notamment à Cuba, en République Dominicaine et au Vénézuéla.  Ma connaissance

de la langue cependant n’était pas à ma satisfaction. Je manquais de pratique, sur une longue

période et de façon soutenue. C’est lors de ma première année sabbatique en 2008 que je pu

combler cette lacune. En effet, j’ai pu travailler au Mexique à titre de professeur invité pendant

près de six mois, où je devais enseigner en espagnol, notamment à l’UNAM à Mexico au

CCADET et aussi à l’Université de Zacatecas plus au nord. Ce séjour que je considère trop

court m’a permis de me familiariser avec la culture mexicaine et d’approfondir mes

connaissances de cette belle langue latine, l’une des plus parlée au monde.

Allemand

Tout a commencé lorsque j’ai suivi un cours d’Allemand au Cegep de Limoilou

durant un

semestre. C’était horrible. La professeure nous a fourni un cours aride, dépourvu de toute

motivation qui aurait pu nous intéresser cette langue. Pourtant je m’étais inscrit par intérêt

initialement. Après ce cours, j’avais abandonné l’idée de poursuivre mes efforts pour cette

langue, jusqu’à mon premier périple autour de l’Europe en 19776-1977. C’est en Espagne en hiver

76-77 que j’ai connu Klaus, un homme d’affaires allemand de Hanovre qui m’a permis de

séjourner chez lui près de Barcelone. C’est un peu grâce à lui que tout a commencé. Bon vivant

et grand buveur de bière, nous nous sommes rapidement liés d’amitié, mais nous nous parlions

alors en espagnol. Je ne maîtrisais pas bien l’Allemand à l’époque, surtout pas avec le cours

médiocre que j’avais ingurgité au Cégep deux ans auparavant. Devant le revoir à nouveau en

Allemagne trois mois après mon séjour au nord de l’Espagne, j’ai pris le pari avec lui dans un

bar ( je n’étais pas vraiment sobre cette nuit-là)  que je parlerais en Allemand avec lui lors de

notre prochaine rencontre à Hanovre. Si je gagnais mon pari, il payait la bière et la bouffe

durant la durée de mon séjour à Hannovre. Sinon, c’était moi qui casquais. Ça l’a bien fait

rigoler et il a accepté le pari avec joie. Je me suis donc remis à l’Allemand. Comme quoi la vie

est parfois ironique. Ainsi, durant la suite de mon voyage à travers l’Europe, je passais des

heures dans les trains ou sur le bord de la route à étudier la grammaire allemande et le

vocabulaire. Je tentais, maladroitement, de discuter avec tous les Allemands, Suisses ou

Autrichiens qui me tombaient sous la main. Je mettais tous les efforts pour les imiter du mieux

que je pouvais, même sans toujours comprendre ce qu’il disaient.  Au bout de trois mois,

lorsque je suis enfin arrivé à Hanovre après un long périple à travers la France, l’Italie, la

Suisse, l’Autriche, la Grèce et la Yougoslavie, j’arrivais à lui parlé en allemand, péniblement il

faut le dire, mais en allemand quand même. Il a tenu son pari avec plaisir et j’ai pu vivre à

Hanovre pendant plusieurs jours à très peu de frais. Depuis ce temps, je suis toujours demeuré

amoureux de la langue de Goethe. De retour au pays, je cherchais toutes les occasions pour

pratiquer l’allemand. J’étais membre du l’Institut Goethe de Québec, où je pouvais pratiquer et

améliore mes connaissances de la langue tout en me faisant des amis allemands. À la fin de

mon cours d’ingénieur, j’ai obtenu une bourse pour faire un stage de 6 mois à titre d’ingénieur

junior chez Bosch dans leur centre de R et D à Schwieberdingen en Allemagne. C’est là que j’ai

pu vraiment parfaire mes connaissances. La pratique toujours la pratique, même si l’accent

prononcé des “Schwabe” de la Forêt-Noire n’était pas toujours facile à comprendre ! Ce stage

m’a faire comprendre que je me devais de trouver un moyen de revenir dans ce pays fascinant

dont l’histoire récente fut si dramatique. Mon souhait fut réalisé lorsque j’ai obtenu une

première bourse du gouvernement allemand (DAAD- Deutsche Akademisches Austauch Dienst)

pour réaliser un doctorat (une thèse d’état à l’époque) en Allemagne à l’université de mon choix.

L’obtention d’une subvention de recherche de la DFG (Deutsche Forschungsgemeinschaft) m’a

permis de compléter mon séjour de cinq ans en terre allemande. Quelle richesse culturelle, 

souvent insoupçonnée et méconnue ici au Québec, émane de ce pays! L’Allemagne est un des

pays qui publie le plus grand nombre de livres en occident. Les Allemands sont très fiers de leur

langue et de leur culture. Aujourd’hui encore, après toutes ces années, je conserve plusieurs

amis là-bas et je considère toujours l’Allemagne comme une seconde patrie où

je n’y sens chez moi. 

Japonais

Après avoir complété ma thèse doctorale à Bochum en Allemagne, ma conjointe de l’époque (la

mère de ma fille Mélanie) et moi avons décidé de poursuivre notre exploration du monde encore

quelque temps avant de revenir nous établir au Québec.  Jovette et moi connaissions bien en

1988 l’Amérique du Nord et l’Europe. Où aller ensuite ? Nous avons opté pour l’Asie. Une des

raisons était qu’à Bochum où nous nous trouvions, se trouvait heureusement pour nous un des

meilleurs instituts de langues asiatiques de toute l’Allemagne. Les professeurs de l’institut

étaient des Asiatiques d’origine et l’établissement offrait des cours intensifs de deux à quatre

semaines. Donc tout de suite après ma soutenance, je me suis inscrit à deux de ces cours

intensifs de japonais (débutant et intermédiaire) pour une durée de six semaines à temps plein. 

J’ai l’habitude de dire en blaguant que j’ai appris le japonais en allemand, ce qui n’est pas

totalement faux. À l’époque,  la Chine et la Corée du Sud n’étaient pas encore devenues ce

qu’elles sont aujourd’hui, c’est vers le Japon qu enous nous sommes tournés. C’est sur le sol

nippon qu’on retrouvait les Centres de recherches asiatiques les plus intéressants et les

avancés. Après quelques échanges par fax, j’ai accepté une invitation du CRL (Communication

Research Laboratory) du gouvernement japonais, un Centre à Koganei-shi en banlieue de

Tokyo. Pour faire un postdoctorat de deux ans. J’ai choisi ce centre pour la qualité de ses

infrastructures de recherches de pointe et pour sa situation géographique, près de la rivière

Tama en banlieue ouest de Tokyo, une région dépourvue de touriste étranger où j’étais assuré de

pouvoir apprendre et pratiquer le japonais. Car un de mes objectifs était de maîtriser cette

langue si étrange et si difficile pour un Occidental. Le Japon avait beaucoup d’argent à

l’époque. Je fus très bien traité par mon employeur et j’ai pu bénéficier de cours de japonais

privé durant mon séjour à raison de 7 heures d’enseignement par semaine.  Après les six

premiers mois, j’arrivais à maîtriser une conversation courante et j’avais appris plus de trois

cents kanjis, tous les caractères hiragana et katakana. En effet l’écriture japonaise est

composée de ces trois ensembles de caractères, les kanjis (pictogrammes chinois) étant les plus

nombreux (plus de sept mille). Il est très difficile de maintenir un bon niveau de maîtrise de

cette langue à moins de le pratiquer constamment. Heureusement, je suis retourné de

nombreuses fois au Japon depuis ce séjour, ce qui m’a permis de “conserver” ce que j’avais

appris à l’époque sans trop subir d’érosion. Mais avec le temps, force est d’admettre que cela

devient de plus en plus ardu. Il me faudrait retourner vivre au Japon pour retrouver la maîtrise

d’antan.

Et les autres...

En exploitant mes connaissances des langues ci-haut mentionnées, j’arrive à lire sans trop de

difficulté l’italien, le portuguais, le roumain (grâce au latin et au français), et  le néerlandais

(grâce à l’allemand et à l’anglais) qui sont d’un point de vue de l’écriture assez similaires aux

langues que je maîtrise déjà. Les parler et les comprendre oralement est par contre une tout

autre histoire.  Il me faudrait encore une fois consacrer beaucoup de temps dans le milieu et

beaucoup d’énergie pour apprendre ces nouveaux idiomes. Si j’avais le temps et des ressources

en abondance, j’apprendrais également le russe et le chinois (mandarin). Ce seraient mes

prochaines préférences linguistiques.

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